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Histoire et tradition orale : le passage des autrichiens en 1814
Mis en ligne le 1er juillet 2009 par
Dernière mise à jour le 11 août 2009
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Le hasard et les circonstances nous amènent parfois à de curieuses spéculations. Lors de recherches toponymiques sur le lieu dit « en Pravian » sur la commune d’Ayn, une personne nous apprit que sa mère disait : « que la grand (?) mère avait préparé et servi une omelette aux Autrichiens qui passaient au Pravian », chose que personne ne cherchait à contester, mais que personne non plus n’avait pris la peine de vérifier.
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Plus tard nous avons eu connaissance de trois autres traditions familiales :

- l’une fait état de la trouvaille d’une « épée autrichienne » au lieu dit « au Rocher » à l’ouest du hameau des Quillères par un aïeul de l’informateur,
- une autre rappelle qu’une personne de Vétonne aujourd’hui disparue, montrait volontiers une pierre dans son jardin contre laquelle les Autrichiens auraient fait du feu.
- un autre informateur enfin cite une altercation qui aurait eu lieu – toujours au village de Vétonne – entre un ou des habitants du hameau et deux cavaliers autrichiens. L’action fut brève et se borna à un échange de gestes peu amènes entre les protagonistes, les soldats quittant les lieux sans pousser leur avantage.

D’autres témoignages existent sur Novalaise. Le maire de l’époque, Félix Foliet, décrit ainsi l’arrivée des troupes : « Le 20 janvier 1814, les troupes autrichiennes se sont emparées du département et sont entrées à Chambéry. Le 31 du sus-dit mois, il est arrivé dans cette commune de Novalaise 450 hommes des sus-dites troupes, ayant passé la montagne d’Epine par un froid excessif (...) ». Il nous en est resté un lieu dit « la redoute des français » au col de l’Epine, figuré sur un document des Pont et Chaussées de 1897.

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Malgré la minceur des informations en notre possession, il est intéressant de chercher plus en détail les racines de ces reliquats d’histoire locale.

Le passage des armées Autrichiennes nous amène presque deux cents ans en arrière à la fin des campagnes napoléoniennes : De juin à décembre 1812, Napoléon entreprend la campagne de Russie avec une avancée française rapide jusqu’à Moscou que la Grande Armée occupe le 14 septembre. La réaction patriotique des russes, les pertes déjà subies lors de l’avancée, les difficultés de ravitaillement dues aux distances entraînèrent la fameuse et terriblement meurtrière retraite de Russie. Les opérations contre la Prusse l’Autriche et la Russie reprirent au printemps 1813, mais après quelques victoires françaises, ce fut l’effondrement à Leipzig du 16 au 19 octobre, puis la revanche des troupes alliées contre un empire moribond.

Fin 1813, le général autrichien Bubna passe par la Suisse et vient à Genève avec 12000 hommes et environ 3000 cavaliers. De Genève une partie des troupes alliées se dirige sur Mâcon, et l’autre partie fait route vers la Savoie commençant par occuper Annecy, puis Chambéry où elle arrive le 19 janvier 1814. Dans la Combe de Savoie, le front se stabilise aux alentours de Fort Barraux jusqu’au 12 février. Par contre les combats continuent dans la vallée de Couz : « De l’autre côté de la Chartreuse, des escarmouches ont lieu dès le 23 janvier dans la vallée de Couz…Robertjot tient le col d’Aiguebelette (aujourd’hui col du Crucifix) sur l’Epine et Barral est aux Echelles ; Mais les renforts autrichiens arrivent et débordent par les flancs : un escadron de hussards descend de l’Echaillon dans la neige sur les Echelles ; une autre colonne sous les ordres du major Myllius, franchit le col de Novalaise (col de l’Epine actuel) et descend sur le lac d’Aiguebelette en tournant les défenseurs du col d’Aiguebelette.PNG

Le poste télégraphique de Saint–Sulpice est alors lui aussi neutralisé. A cinq heures du soir, le 31 janvier, les Autrichiens entrent dans les Echelles que les Français évacuent…(1)

Les Autrichiens étaient forts intéressés par cette zone des cantons des Echelles, de Novalaise et de Pont-de-Beauvoisin pour au moins deux raisons :
- La première est l’existence de la ligne télégraphique de Chappe qui passait par deux postes qui semblent avoir été localisé, l’un au col du Crucifix, l’autre sur un des sommets de la commune de Miribel. Dès la coupure de cette liaison ( probablement déjà effective pour un poste au dessus de Montmélian dès le 20 janvier) Napoléon ne pouvait plus correspondre avec l’armée d’Italie.
- La deuxième d’ordre stratégique elle aussi, c’est l’ouverture de la route vers Lyon et vers Grenoble.

Maintenant que les grandes lignes des opérations militaires nous sont connues que pouvons nous tirer de plus précis des documents en notre possession ?

Le registre des baptêmes tenus par le curé Quilet régent à Ayn depuis 1802, est annoté en marge du texte suivant : « Le 30 janvier 1814 nous vîmes passer ici 5000 croates qui vinrent débusquer les français qui étaient à Lépin et Aiguebelette. La guerre ne fut pas longue car dès que les français aperçurent les troupes alliées, ils se sauvèrent. On fit beaucoup de prisonniers. Ce fut un jacobin enragé qui avait appelé les français croyant qu’ils empêcheraient les allemands de pénétrer, mais les allemands furent plus fins et les prirent par derrière ». (2)

Que penser des informations que nous donne le curé Quilet ?
Les nationalités présentes dans les corps de troupes de l’armée de Bubna sont relativement nombreuses et il y a effectivement des croates et des allemands.

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Le chiffre de 5000 croates qu’il cite est certainement très exagéré puisqu’on estime que « (…) l’ensemble des forces assignées aux différentes missions de l’attaque (col de Novalaise, col de Couz) totalisait de 1500 à 1600 autrichiens (…) (3). Le nombre de soldats qui dut passer le col de l’Epine doit être proche des 500 hommes « (…) le 31 du susdit mois (janvier 1814), il est arrivé en cette commune de Novalaise 450 hommes des susdites troupes (Autrichiennes), ayant passé la montagne de l’Epine (…) »(5), les opérations de la vallée de Couz et des Echelles, plus délicates, demandaient quand à elles plus de soldats.

L’occupation du col d’Aiguebelette : elle était effective, certainement pour protéger le passage, mais peut être plus encore pour maintenir hors de portée de l’ennemi le poste télégraphique. Il y avait de même un poste à Lépin et un à la Bridoire. Le lieutenant Vichier Guerre est assez précis dans son récit tant sur les positions françaises : « (…) il occupa le col d’Aiguebelette ; établit un petit poste à la Bridoire (…) », que sur les opérations autrichiennes : « Le major Mylius franchit la crête sans difficulté, occupa Novalaise, se dirigea vers Saint Alban par la rive occidentale du lac, attaqua et dispersa les troupes françaises postées près de Lépin et envoya vers la Bridoire un détachement qui poussa jusqu’à Pont de Beauvoisin ». (4)

La manœuvre de contournement : Pour J. Perreau, elle s’est déroulée de la même manière : « (…) Mylius envoie une flanc garde à la Bridoire pour se couvrir contre Pont de Beauvoisin. Avec le reste de sa colonne il se dirige vers Lépin, Attignat-Oncin et les Echelles en serrant au plus près la chaîne de l’Epine et tournant la défense du col d’Aiguebelette. Les postes français de la Bridoire, Lépin et du col battent précipitamment en retraite (…)  » (3) On peut même s’avancer jusqu’à dire que les armées autrichiennes ont traversé le territoire communal d’Ayn, le maire de Novalaise, Félix Folliet raconte lui même l’arrivée des troupes autrichiennes : « (…les troupes autrichiennes) sont demeurées dans le bourg environ 4 heures ; on leur a fourni l’étape ; sur environ midi, elles sont parties du bourg en passant par Ayn, Dullin et Saint Alban pour se rendre au château de Lépin et y débusquer un poste français qui y était demeuré.  » (5).

Ce contournement était prévisible : le 29 janvier 1814, soit trois jours avant l’opération, le maire de Pont de Beauvoisin (Isère) envoie un courrier au préfet de l’Isère : « (…) d’après l’avis que j’eus avant hier matin, que des éclaireurs ennemis s’étaient présentés au village d’Aiguebelle (Aiguebelette), à deux lieux de Pont de Beauvoisin (…) » et il rajoute ensuite : « (…) des hommes de confiance m’ont également rapporté que 30 hommes s’étaient présentés avant hier au village d’Aiguebelette ; qu’ils étaient entrés dans plusieurs maisons pour y boire et y manger, qu’ils avaient enfoncé une armoire chez le maire pour y prendre du linge, et ils en avaient fait autant dans la chaumière d’une pauvre veuve. Ils ont fait fondre chez le maire, et avalé entre douze, un pot de beurre pesant 16 livres en y trempant simplement leur pain.* Ils se sont ensuite retirés avec la nuit, pour reprendre le poste qu’ils occupaient sur le revers de la montagne. Ils ont dit aux habitants que l’on enverrait le lendemain un détachement plus considérable pour marcher sur les Echelles ».(3) Témoignage intéressant : l’armée Autrichienne devait être particulièrement sûre de sa puissance et de sa stratégie pour que ses éclaireurs se conduisent avec aussi peu de discrétion et donnent tant d’informations !

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- « dès que les français aperçurent les troupes alliées, ils se sauvèrent » note le révérend curé. Il n’est pas le seul à le constater, tous les documents d’époque font état du peu d’empressement à combattre des défenseurs français. D’après Louis Gay Lancermin, il y aurait eu une quinzaine de déserteurs à Novalaise en 1813, et plusieurs courriers du Préfet font également état de désertions : « Je suis informé qu’un détachement du deuxième régiment étranger, dirigé dernièrement sur Rome, a éprouvé par la désertion, à son passage dans ce département, une perte considérable : on attribue cette perte à des embaucheurs Suisses qui donnent de forts engagements ». (5).
Il ne fait aucun doute que les Français ont du mal à mobiliser les Savoyards, soit pour des raisons financière comme ci-dessus, soit pour des raisons plus politiques : les villageois savoyards étaient certainement peu enclins à défendre les français considérés comme envahisseurs, soit enfin tout simplement par lassitude de la guerre.

- « On fit beaucoup de prisonniers », Contrairement à ce que dit le curé Quilet, tous les observateurs notent que les français se sont enfuis, mais parlent peu de prisonniers ou alors de façon anecdotique notamment lors des opérations du col de Couz.
Enfin cette conclusion sans équivoque de la part du curé : «  (…) Ce fut un jacobin enragé qui avait appelé les français (…) mais les allemands furent plus fins (…)  » nous amène encore une fois à nous interroger sur les sentiments éprouvés par la population.

Le Curé Quillet d’abord : il fut prêtre « jureur » alors qu’il était régent dans la paroisse de Saint Pierre d’Albigny puis il s’exila à Turin et se rétracta en 1794. Malgré ses premières sympathies pour la Révolution, il est assez normal de constater son hostilité d’homme d’Eglise à l’encontre ses jacobins.

Les habitants des Quatre Cantons ensuite : ils sont encore sous le choc de l’invasion de fin septembre 1792 et des exactions commises à partir de cette époque par les plus radicaux des révolutionnaires. Même si les attitudes vis à vis des autrichiens peuvent être partagées, certains pour ne pas dire la majorité des savoyards semblent participer activement à l’avancée des troupes alliées. Le maire de Pont de Beauvoisin (Isère), toujours lui, se plaint auprès de M. de Saint Vallier le 25 janvier 1814 : « M . le Comte, La malveillance de nos voisins est à son comble, il n’y a rien qu’on ne fasse pour décourager et effrayer le peu d’hommes que l’on pourrait envoyer à la défense de notre frontière  » (3). Le sous préfet de Chambéry, alors retiré à Pont de Beauvoisin sur ce qui lui reste du département du Mont Blanc, écrit lui aussi à M. de Saint Vallier : « (…) j’ignore si l’ennemi a fait occuper Novalaise ; ce qu’il y a de très funeste pour nous, c’est qu’il est reçu à bras ouverts dans les villages du Mont Blanc (…) » (4).

Nous voici donc en présence de plusieurs témoignages qui semblent attester chacun à leur manière de la présences des armées alliées en lutte contre les armées napoléoniennes.

Pour les textes écrits aux alentours de 1900, il s’agit essentiellement d’études portant sur les opérations militaires, relativement pauvres en renseignements sur le détail des opérations. Ils peuvent être partiaux sur l’interprétation stratégique des manœuvres militaires, mais sont relativement fiables pour la géographie des opérations. Ces textes semblent confirmer assez fortement les traditions orales citées en début de chapitre.

Pour le texte du curé Quilet, il est intéressant à plus d’un égard : exagération sur le nombre de combattants, sur le nombre de prisonniers, précision sur le chemin suivi par le détachement autrichien, précision sur les postes occupés par les français, fuite des français, état d’esprit vis à vis de « l’envahisseur ».

Pour le premier témoignage oral, l’impression de collaboration avec un envahisseur qui se dégage au premier abord se trouve vite expliquée par la situation politique et religieuse en Savoie à cette époque, inversement l’action peut aussi être imposée par plus fort que soi, mais l’informateur ne semble pas pencher pour une action effectuée sous contrainte.

Pour le second, l’objet a malheureusement disparu, mais la mémoire familiale en est encore fortement imprégnée puisque que le témoignage est celui d’une personne d’une vingtaine d’années.

Le troisième témoignage, ancien et cité par une personne déjà âgée, à le grand intérêt de montrer la raison d’être et la continuité de la tradition orale : le fait est anodin – faire du feu contre une pierre – mais la personne qui le décrivait semblait consciente que c’était un fait qui sortait de l’ordinaire, qui méritait d’être connu et transmis.

Pour le dernier témoignage, il est plus délicat de se prononcer : l’attitude des protagonistes n’est pas facile à expliquer. L’habitant de Vétonne n’avait aucun intérêt à exciter le hargne de deux cavaliers, et il paraît étonnant que ceux ci n’aient pas répondu ou poussé leur avantage. Le texte qui les décrit pillant du linge et se restaurant chez le maire d’Aiguebelette montre bien qu’ils se conduisent en soldat sûrs de leur droit et de leur puissance. Faut il penser à une modification du témoignage au cours du temps pour masquer – volontairement ou non – une coopération avec les soldats Autrichiens qui n’était plus de mise, ou faut il plus simplement y voir une diversité d’opinion et l’expression d’un parti pris pro-français ? Il n’est certainement plus temps de se faire une opinion sur ce point. Mais pour ces quatre témoignages oraux, il est intéressant de remarquer que des faits datant de près de 200 ans sont restés gravés, quelques fois très fortement, dans la mémoire collective de certaines familles.

* pour l’anecdote, la livre de Chambéry de 16 onces utilisée dans la région fait 418 grammes soit environ 560 g par personne !

Bibliographie des auteurs cités :

- (1) : DESCOTES-GENON Jean, La rupture de la ligne télégraphique Chappe de Paris à Milan en 1814 au cours des opérations militaires autour de Chambéry et des Echelles. In La société savoyarde et la guerre, huit siècles d’histoire (XIII° - XX° siècles), Actes du XXXVI° congrès des sociétés savantes de Savoie, Montmélian – 21 et 22 septembre 1996, édités par la société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie, Mémoires et documents – tome C – 1998, Imprimerie Arc-Isère, La Ravoire, 4° trimestre 1997. 
- (2) : AYN, Archives paroissiales, Registre de baptêmes 1814-1821.
- (3) : PERREAU J., L’épopée des Alpes, 1912, Paris.
- (4) : VICHIER GUERRE (Lnt), 1814, Opérations militaires en Savoie et Dauphiné, 1909, Paris.
- (5) : GAY LANCERMIN Louis, Novalaise, son histoire. A compte d’auteur, dactylographié, 1982

Non cités :

- PALLUEL-GUILLARD André, La Savoie dans la grande nation et le grand empire 1792-1815, in La Savoie de la Révolution à nos jours, XIX°-XX° siècle. Ouest France 1986.
- JUGE H., Entrée des austro-hongrois en Savoie (1813-1814).
- BILLET Mgr., Mémoire pour servir à l’histoire du diocèse de Chambéry, 1865, Chambéry.
- MINISTERE D’AGRICULTURE ET COMMERCE : Table de rapport des anciens poids et mesures… Turin, imprimerie royale 1849.

Iconographie :

Figuier Louis, Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes, Télégraphie aérienne, électrique et sous-marine, (...), Furne, Jouvet (Paris), 1868.

Archives Départementales de la Savoie :
- Série S : 41-S-22
- Série C : C-506

avec l’aimable autorisation du Conseil Général de la Savoie, service des Archives Départementales

Archives de la commune d’Ayn, livre tabelle de la mappe sarde

Collections privées

L’auteur remercie tout particulièrement les personnes d’Ayn qui ont bien voulu lui faire part de leurs souvenirs.